Olga Weijers: Études sur la Faculté des arts dans les universités médiévales (= Studia Artistarum; 28), Turnhout: Brepols 2011, 426 S., ISBN 978-2-503-54191-4, EUR 60,00
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Hannah Skoda / Patrick Lantschner / R. L. J. Shaw (eds.): Contact and Exchange in Later Medieval Europe. Essays in Honour of Malcolm Vale, Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2012
Michel Pastoureau: Les signes et les songes. Études sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Firenze: SISMEL. Edizioni del Galluzzo 2013
Claude Gauvard: Le Temps des Valois de 1328 à 1515, Paris: Presses Universitaires de France 2013
Depuis une vingtaine d'années, les recherches d'Olga Weijers sur les universités médiévales ont beaucoup contribué à la connaissance de l'organisation de l'enseignement et des examens, du contenu des disciplines, et des méthodes pédagogiques de la scolastique. Sur l'ensemble de ses nombreux travaux, elle a eu la bonne idée de réunir dans le présent volume de 426 pages 19 articles consacrés à l'enseignement à la Faculté des arts au Moyen Âge. Ils ont été augmentés de notes, de corrections et de compléments bibliographiques. Deux communications inédites - « Logica Modernorum and the Developpment of the disputatio » (1997) et « Between Logic and Law : the 'loci loicales' of the Jurists » (2008) - sont intégrées aux six sections thématiques du livre. Un index des auteurs et des textes cités et un index des termes techniques viennent clore le recueil d'articles. L'ouvrage constitue une somme de grande qualité sur le sujet.
La première section regroupe les «Questions de vocabulaire». Dans «Le vocabulaire de l'enseignement et des examens de l'Université de Cologne», l'auteur a montré qu'au cours du XIVe siècle, de nombreux termes nouveaux sont apparus à l'Université de Cologne, dont les statuts et l'organisation - en l'occurrence celle de la Faculté de Théologie - sont repris de ceux de Paris, mais aussi de Vienne et de Heidelberg. Ce renouveau s'explique par les nouvelles formes d'enseignement (exercitium, biblicus), la désignation de pratiques antérieures (ordinarium, temptamen) et l'intérêt grandissant porté aux grades et à l'incorporation dans le corps des professeurs. «Le vocabulaire du Collège de Sorbonne» donne un excellent éclairage historique et social sur l'origine des termes, en montrant qu'ils proviennent, sans surprise, pour une très large part des institutions religieuses (collegium, provisor, prior, beneficiatus, bursa), de l'administration (procurator) dans une moindre part et, dans une toute petite mesure, du monde des métiers - corporations - (collegium aussi et peut-être socius), le vocabulaire lié aux activités d'enseignement étant logiquement repris du monde scolaire (scola, pedagogium, disputatio, etc.). Le vocabulaire des méthodes d'enseignement est étudié, d'une part à partir de problema, dautre part de disputatio, montrant que sans être synonymes, les termes auraient été complémentaires. Les « Quelques observations sur les divers emplois du terme disputatio » consistent à exposer l'histoire sémantique du mot signifiant «délibération» ou «dubitation», mais aussi «exposition», «traitement», «discussion didactique», « discussion selon l'art de la dialectique » et «concept». Omniprésente dans l'histoire intellectuelle médiévale, la «dispute» est une méthode d'enseignement et de recherche, une technique d'examen, une forme d'exercice dans l'enseignement et la culture universitaire. L'auteur invite à poursuivre les recherches sur ce sujet.
La seconde section concerne «Les examens et les cérémonies» qu'elle traite d'abord d'après «Les règles d'examen dans les universités médiévales». L'étude est basée sur les statuts de la Faculté des Arts de l'Université de Paris et ceux de l'Université de Prague entre le XIIIe et le XIVe siècle. Premièrement, l'étude des examens est censée nous informer sur leur déroulement, sur la commission jugeant l'étudiant, les chances de réussite, le coût de l'examen, l'ouverture à une carrière professionnelle, lucrative ou non. Secondement, les règles d'examen contiennent des informations sur le programme des études suivi par l'étudiant pour être autorisé à se présenter à l'examen. Cependant, des divergences apparaissent entre les descriptions et la pratique, notamment à propos de certaines lectures qui, en réalité, n'étaient peut-être pas lues. Troisièmement, les règles d'examen donnent une idée du niveau des études et, dans certains cas, des connaissances des étudiants. Ensuite, l'étude de la cérémonie de l'inceptio à la fin du XIIIe siècle et au XVe siècle fait l'objet de deux articles. Ce rituel marquait la fin des études et l'entrée dans la corporation des maîtres. Ses modalités changent d'une faculté à l'autre. Il semblerait qu'au XVe siècle, l'inceptio soit devenue plus un rite de passage et un événement festif important de la Faculté, qu'une véritable épreuve.
La troisième section porte sur «Les genres littéraires», d'une part à la Faculté des Arts du XIIIe au XVe siècle à Paris et à Oxford, d'autre part à travers les formes littéraires de la réception des textes d'Aristote. L'auteur insiste, à juste titre, sur l'importance de l'identification du genre littéraire d'un texte dans toute étude critique historique et en dresse le catalogue: les commentaires, la «questio disputata», les sophismata, les traités, les manuels et les autres genres. L'auteur développe le cas d'étude des genres littéraires des commentaires sur le De anima d'Aristote.
La quatrième section prolonge la précédente, puisqu'elle est consacrée aux «Commentaires» essentiellement philosophiques et de logique à la Faculté des Arts. Leur nombre est considérable et leur étude, loin d'être achevée, porte sur leurs rapports avec la pratique de l'enseignement. O. Weijers affirme que la majorité d'entre eux serait issue de l'enseignement, même si certains ne sont pas nécessairement le résultat du cours, le maître ayant pu les écrire en dehors du contexte scolaire. Elle discute le cas du commentaire sur les Topiques d'Aristote attribué à Robert Kilwardy (ms. Florence). On appréciera la transcription éditée par l'auteur à la fin de l'article (237-256). D'autres commentaires des XIIIe et XIVe siècles sont analysés. L'histoire des rapports de ces commentaires avec l'enseignement reste à étudier. Enfin, le dernier article de cette section traite de la réécriture de certains cours universitaires et privés en vue d'une mise au point doctrinale, ou de l'amélioration d'un texte.
La cinquième section concerne «La 'disputatio'» traitée dans quatre articles, les deux premiers, très proches, parfois répétitifs, portant sur les distinctions entre la dispute dialectique et la dispute scolastique, le troisième (court) sur «la questio de augmento d'Adam de Bocfeld» éditée 324 à 331 ; enfin, le quatrième article traite des échanges intellectuels entre les universitaires dont la disputatio est l'un des instruments. La «dispute dialectique» tire son nom des règles de la dialectique en vue de l'argumentation basée sur la positio, oppositio et responsio. La «dispute scolastique», quant à elle, fut au XIIIe siècle l'une des principales méthodes d'enseignement universitaire et un outil d'analyse de problèmes réels. Elle a joué un rôle essentiel dans les échanges intellectuels et les transferts des idées dans les facultés européennes au Moyen Âge.
Enfin, la sixième section regroupe trois articles sur «Les disciplines» du trivium, de la musique et du droit. Reprenant des articles antérieurs, "The Evolution of the Trivium in University Teaching: The Example of the Topics" conclut, à partir de quatre cas d'étude, à la constitution de la disputatio en une discipline spéculative et systématique. "La place de la musique à la Faculté des Arts de Paris" a le grand mérite de contrer l'idée répandue selon laquelle la musique aurait disparu de l'enseignement universitaire. L'auteur fonde ses arguments sur l'omniprésence des traités de Boèce et des commentaires aristotéliciens chez les Artiens. Enfin, le court article "Between Logic and Law: the loci loicales of the Jurists" montre que les juristes établissaient de courts répertoires de loci rhétoriques correspondant à certains passages du corpus iuris et donc applicables à des questions juridiques précises. Inventant des listes sophistiquées, ils ont apporté une contribution importante à la transmission des connaissances.
Martine Clouzot