Marcel van Ackeren / Jan Opsomer (Hgg.): Selbstbetrachtungen und Selbstdarstellungen. Der Philosoph und Kaiser Marc Aurel im interdisziplinären Licht (= Schriften des Lehr- und Forschungszentrums für die antiken Kulturen des Mittelmeerraumes - Centre for Mediterranean Cultures (ZAKMIRA); Bd. 9), Wiesbaden: Reichert Verlag 2012, 380 S., ISBN 978-3-89500-929-7, EUR 49,00
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Martijn Icks: The Crimes of Elagabalus. The Life and Legacy of Rome's Decadent Boy Emperor, London / New York: I.B.Tauris 2011
David Rohrbacher: The Play of Allusion in the Historia Augusta, Madison, WI: University of Wisconsin Press 2016
Sophie Röder: Kaiserliches Handeln im 3. Jahrhundert als situatives Gestalten. Studien zur Regierungspraxis und zu Funktionen der Herrschaftsrepräsentation des Gallienus, Bruxelles [u.a.]: Peter Lang 2019
Klaus Altmayer: Die Herrschaft des Carus, Carinus und Numerianus als Vorläufer der Tetrarchie, Stuttgart: Franz Steiner Verlag 2014
John S. McHugh: Emperor Alexander Severus. Rome's Age of Insurrection, AD 222-235, Barnsley: Pen & Sword Military 2017
"Bientôt tous t'auront oublié" (Marc Aurèle, écrits pour lui-même, VII, 21). était-ce une prévision? N'était-ce pas une façon, réflexive, de se voir soi-même, une façon, imposée à soi-même, de se considérer comme un élément, périssable, du cosmos, et donc d'appréhender la relation qu'il fallait avoir avec le monde? Quoi qu'il en soit, la prévision impériale était fausse, car plus d'un millénaire et demi après sa mort le personnage ne cesse d'interroger les hommes de notre monde, grands ou petits d'ailleurs, tant il est vrai que des fragments des écrits pour lui-même se retrouvent, sous des "plumes" diverses, y compris sur Internet. Marc Aurèle fascine. La question se pose pour son texte, qui, soit dit en passant, n'est vraisemblablement connu que depuis le X< span class="superscript">e siècle. Et bien évidemment de la relation de cet écrit, qui à première vue semble tellement désordonné, avec l'action de notre personnage; car Marcus Aelius Aurelius Verus, s'il écrivit une œuvre philosophique, qui n'était probablement pas destinée à être publiée, fut, d'abord, un empereur romain. Alors, la question se repose: quel personnage fut-il?
La réponse est difficile, comme le notent M. van Ackeren, J. Opsomer dans l'introduction de ce colloque, puisque, faisant bref, ils ont recensé cinq positions différentes, cinq angles d'analyse, concernant la seule philosophie de Marc Aurèle! Avec cette double interrogation de fond: était-il un pur stoïcien, une pure reproduction d'épictète? Que signifiait cette réflexivité sur soi-même (Die Frage nach dem "Selbst")? Quant à l'action politique de Marc Aurèle, comme empereur, romain, on retrouve la même fragmentation des points de vue, cristallisés autour de cette question: la philosophie a-t-elle totalement influencé ses prises de décisions? Bref, comme le relèvent M. van Ackeren, J. Opsomer, le personnage était pour le moins complexe. C'est la confrontation de tous ces points de vue, avec toutes les armes que nous offre l'interdisciplinarité, qui nous est proposée aujourd'hui.
L'ouvrage est constitué de quatre parties: le philosophe, l'empereur, l'auteur, les représentations de Marc Aurèle. Outre une présentation impeccable de l'ouvrage, on relèvera un grand respect des auteurs pour le lecteur. Car il n'y a aucune conclusion, comme si, la matière de la réflexion étant fournie, le lecteur était prié de se muer en historien, en se faisant sa propre opinion.
Pour savoir de quoi l'on parle, il faut commencer par la deuxième communication, celle de J.-B. Gourinat, qui pose une question en apparence étonnante: Marc Aurèle était-il un philosophe? La réponse est oui, si l'on constate qu'il écrivit de la philosophie, non, parce qu'il s'agissait d'un empereur romain, et aucunement d'un philosophe professionnel, mais cela n'impliquait pas, cependant, qu'il ne fût pas un philosophe du tout. Marc Aurèle fut, cela est indiscutable, un homme d'état, dont la philosophie illumina toute la vie. Et cela règle la question, sauf que c'est pour s'apercevoir que le "papier" de J.-B. Gourinat est une réponse à Chr. Gill, qui signe le premier article de ce volume. Mais c'est pour découvrir alors que cet article faisait suite à la conférence inaugurale de W. Eck qui posait clairement la question de la relation entre la philosophie et l'action de Marc Aurèle "What is the relationship betwen Marcus' philosophy and the rest of his life, especially his politics?"). Et c'est pour découvrir encore que G. Roskam, étudiant la relation entre Ariston et Marc Aurèle, dit avoir grandement amélioré son texte à la suite des dicussions lors du colloque. Voilà qui donne à un aspect très vivant à des discussions philosophiques, qui se poursuivent avec le "papier" de Gr. Reydams-Schils, examinant la relation, chez Marc Aurèle, entre la préoccupation du bien commun et la recherche de son propre bonheur, sous le "regard" de la raison, le phénomène cognitif, la relation de l'homme avec le monde, si chère aux stoïciens, étant examinée par A. Giavatto, se penchant plus précisément sur la relation de la doctrine philosophique de Marc Aurèle avec l'éthique, tout en soulignant l'existence de versions peu concordantes, par exemple de V, 10, 1-2. C'est encore de morale dont parle Chr. Horn, avec cette question: "Gibt es etwas, dass die aktuelle Moralphilosophie in der Auseinadersetzung mit dem Werk des stoischen Philosophen und römischen Kaisers Marc Aurel lernen kann?". La réponse est: "attraktiv", avec une grande interrogation sur la relation avec l'eudémonisme.
La deuxième partie consacrée à Marc Aurèle empereur s'ouvre par une étude intéressante de W. Eck, sur l'otium dans l'ordre sénatorial, et même l'otium définitif, la retraite, à partir d'une lettre de Pline le Jeune (III, 1), mais il s'agit là plus d'une étude concernant la période de Marc Aurèle que de Marc Aurèle lui-même. K. Herrmann poursuit en analysant, avec le portrait de Marc Aurèle en filigrane, le concept d'optimus princeps dans les deux siècles qui suivirent, jusqu'aux Caesares de l'empereur Julien. M. Avenarius à la lumière de ce que nous savons des grandes écoles de juristes de cette époque, examine ensuite les pratiques juridiques, en matière de droit privé, de Marc Aurèle, traitant tout aussi bien du traitement des esclaves que de la validité de l'héritage et s'appesantissant sur l'humanior interpretatio de l'empereur-philosophe, pour qui la justice fut l'une des grandes affaires de sa vie. Bien évidemment, se posait la question de la relation avec Fronton, ou plus exactement de la tentative de Fronton pour annexer la philosophie à la rhétorique. La réponse de B. Manuwald est que tout en atteignant une perfection rhétorique, comme le voulait Fronton, Marc Aurèle ne se départit jamais d'une éthique, fondée sur la philosophie! Voilà qui montre un excellent élève, pourvu d'une pensée personnelle et d'une volonté. Comme la conclusion de J. Hammerstaedt à propos de la relation de Marc Aurèle et de la Seconde Sophistique: "Die genannten Aphorismen Marc Aurels zeigen also, wie er sich mit seinen "Selbstbetrachtungen" in einen bewußten Gegensatz zum Habitus der Zweiten Sophistik stellt".
La dernière partie est consacrée aux traces matérielles. S. Ortisi examine celles que l'on peut relier aux guerres contre les Marcomans, qui aboutirent à la mise en place de la praetentura Italiae et Alpium, mais il relève le contraste entre les nombreux textes qui mentionnent des poussées germaniques en Italie et l'absence de preuves archéologiques sûres dans les villes touchées par celles-ci. Bien évidemment, il ne pouvait être question d'oublier les monnaies ou les monuments figurés. P. F. Mittag examine donc le monnayage de Marc Aurèle et Lucius Verus et montre des divergences, dues à l'éloignement des deux empereurs, qui ne s'atténuèrent qu'avec le retour de L. Verus à Rome. L'ouvrage se termine par une étude de D. Boschung, qui relève l'existence de quatre types de portraits de Marc Aurèle, dont les bustes sont presque innombrables et parfois fort expressifs, comme le buste de Chiragan (Haute-Garonne, France), qui donne à voir un Marc Aurèle vieilli, usé, dont la comparaison avec les reliefs du Musée du Capitole eut été intéressante, pour servir en quelque sorte de conclusion.
Yves Roman