William W. Fortenbaugh (ed.): Arius Didymus on Peripatetic Ethics, Household Management, and Politics. Text, Translation, and Discussion (= Rutgers University Studies in Classical Humanities; Vol. 20), London / New York: Routledge 2018, XII + 345 S., ISBN 978-1-4128-6553-1, GBP 91,99
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Gretchen Reydams-Schils (ed.): Thinking Through Excerpts. Studies on Stobaeus, Turnhout: Brepols 2011
Le premier volume des Rutgers University Studies in Classical Humanities intitulé On Stoic and Peripatetic Ethics. The Work of Arius Didymus (1983, réimprimé en 2004) était entièrement consacré à Arius Didyme et aux deux abrégés d'éthique péripatéticienne et stoïcienne qui lui sont attribués et qui sont transmis dans l'Anthologie de Stobée (Vème s. apr. J.-Chr.). Ce volume se décline en dix exposés dont huit accompagnés d'une discussion, mais il ne contient pas les textes des deux abrégés qu'il faut encore lire dans l'édition de K. Wachsmuth (1884). Entre temps, les deux abrégés ont été réédité et traduits en anglais: celui d'éthique stoïcienne par A.J. Pomeroy (1999), celui d'éthique péripatéticienne par Georgia Tsouni (2017; dans le volume qui fait l'objet de mon compte rendu).
Ces deux abrégés font partie dans l'Anthologie de Stobée d'un ensemble de trois textes dont le troisième est probablement étranger aux deux autres et issu du milieu du Platonisme des premiers siècles de l'Empire (voir M. Bonazzi, "Il platonismo nel secondo libro dell'Anthologium di Stobeo: il problema di Eudoro", in G. Reydams-Schils, Thinking Through Excerpts: Studies on Stobaeus, Turnhout 2011, 441-456). À partir des recherches de D.E. Hahm ("The Ethical Doxography of Arius Didymus", ANRW II.36.4, Berlin 1990, 2935-3055) on appelle aussi ces trois documents "Doxographie A" (texte platonicien), "Doxographie B" (éthique stoïcienne) et "Doxographie C" (éthique péripatéticienne).
Le protagoniste du vingtième et dernier volume de la série des Rutgers University Studies in Classical Humanities ("Arius Didymus on Peripatetic Ethics, Household Management, and Politics") est encore une fois Arius Didyme; le sujet son abrégé d'étique péripatéticienne. La nouveauté principale par rapport au premier volume est la présence cette fois-ci de l'édition des pages de Didyme établie, après Wachsmuth, par Georgia Tsouni (1-67). L'édition enrichie d'un apparat critique est précédée d'une brève introduction et suivie d'une traduction anglaise. La divergence la plus significative de Tsouni par rapport à l'édition précédente est celle de garder (à raison, à mon avis) le mot proêgoumenos des manuscrits de Stobée et non la correction chorêgoumenos proposée par Wachsmuth: "The word means not only what is primary in an evaluative sense, what is preferential in relation to something else ... Didymus seems to have used the Stoic term proêgoumenos in order to convey Peripatetic theaching, and more specifically the priority of a (virtuous) life among a moderate amount of external goods" (7-8). Le texte de l'abrégé d'éthique péripatéticienne est nettement mieux conservé dans les manuscrits de Stobée que celui d'étique stoïcienne, mais en dépit de l'effort considérable de Tsouni il demande encore des soins de la part du futur éditeur de l'Anthologie.
L'édition est suivie de neuf chapitres qui reprennent les exposés qui avaient été présentés en 2014 en l'occasion d'un colloque à Rutgers sur l'abrégé d'éthique péripatéticienne de Didyme. Une partie de ces chapitres se présente sous la forme d'un commentaire à plusieurs passages du texte de Didyme, qui se révèle de plus en plus original et important pour comprendre les différentes lectures que de l'étique aristotélicienne avaient été proposées dans le Péripatos ancien et de l'époque hellénistique.
La série de chapitres débute par quelques considérations de D.E. Hahm ("The Quest for an Author, 69-74) sur l'identité d'Arius et à propos de l'identification controversée de celui-ci avec le philosophe de cour de l'empereur Auguste. Les conclusions de Hahm sont assez prudentes, et il ne pouvait pas en être autrement en raison de la pénurie des données dont on dispose. W.W. Fortenbaugh enchaîne avec un article sur "Moral Virtue in Didymus' Epitome of Peripatetics Ethics" (75-121) où il discute dans les détails plusieurs sections de l'abrégé (1-2, 10-11, 16-19, 24-25, selon la division proposée par Tsouni); un appendice sur la doctrine du tempérament suit. S.A. White aborde la question cruciale dans ce genre de littérature "Intrinsic Worth of Others in The Peripatetic Epitome (Doxography C)" (123-160), tandis que J. Szaif étudie "Two Conceptions di 'Primary Acts of Virtue' in Doxography C" (161-203), c'est-à-dire la conception péripatéticienne des "primary (proêgoumenai) actions" ou "primary acts of virtue" (161). M. Hatzimichali ("Bodily and External Goods in Relation to Happiness", 205-226) revient sur la division des biens qui appartiennent à l'âme et de ceux qui appartiennent au corps, ou biens externes, par rapport à la félicité. Dans son deuxième chapitre, Fortenbaugh (227-253) discute des différents types de vie dans l'abrégé de Didyme à travers l'exégèse du passage qui correspond aux p. 143,24-145,10 de l'édition de Wachsmuth (= section 23 Tsouni). E. Schütrumpf (255-291) analyse ensuite la partie de l'Abrégé sur "the economic and political topic" afin d'en identifier les sources ainsi que "to assess the success of Didymus' endeavor" (255). P.L. Simpson ("Von Arnim, Didymus, and Augustus. Three Notes on Doxography C", 293-308) examine trois résultats de l'étude classique de H. von Arnim (1926) sur la doxographie péripatéticienne de Didyme. Il défend l'hypothèse que la première partie de l'abrégé dérive de Théophraste, il discute de l'organisation du matériel péripatéticien dans ce traité et il se pose la question de savoir ce que Arius a introduit et ce qu'il a omis dans la rédaction de son texte par rapport à ses modèles. M. Graver, enfin, montre des liens fort intéressants entre l'abrégé de Didyme et quelques passages de la Lettre 92 à Lucilius de Sénèque ("Seneca's Peripatetics: Epistulae Morales 92 and the Stobean Doxography C", 309-342).
Un index général (343-345) complète le volume, tandis que la bibliographie est placée à la fin de chacun des neuf chapitres.
La publication de ce volume sur la "Doxographie C" ou Abrégé d'éthique péripatéticienne d'Arius Didyme représente une étape significative dans les recherches sur l'éthique antique. N'importe qu'il soit le rédacteur de cet abrégé, en dépit des problèmes qui restent encore à propos de son nom, qu'il s'appelle Didyme ou Arius Didyme, cet auteur apporte une contribution considérable à nos connaissances de la réception de l'éthique péripatéticienne après et au delà d'Aristote. La possibilité de lire, à côté des essais, une nouvelle édition et une traduction du texte est aussi une bonne idée et aide beaucoup le lecteur. Quelques coquilles et incertitudes dans l'établissement du texte et surtout dans la rédaction des apparats n'en diminuent pas son importance. Il faut pourtant remarquer que les renvois dans les apparats de Tsouni ne sont pas aux lignes de son édition, mais aux pages et aux lignes de celle de Wachsmuth. Ce système crée sincèrement une certaine confusion et oblige le lecteur à un tour de force désagréable.
Tiziano Dorandi