Rezension über:

Anne Curry / Rémy Ambühl (eds.): A Soldiers' Chronicle of the Hundred Years War. College of Arms Manuscript M 9, Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2022, XV + 455 S., 4 Kt., 5 s/w-Abb., ISBN 978-1-84384-619-2, GBP 90,00
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Rezension von:
Sergio Boffa
Musée communal de Nivelles
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Sergio Boffa: Rezension von: Anne Curry / Rémy Ambühl (eds.): A Soldiers' Chronicle of the Hundred Years War. College of Arms Manuscript M 9, Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2022, in: sehepunkte 23 (2023), Nr. 6 [15.06.2023], URL: https://www.sehepunkte.de
/2023/06/36890.html


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Anne Curry / Rémy Ambühl (eds.): A Soldiers' Chronicle of the Hundred Years War

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Une chronique inédite de la guerre de Cent Ans sommeillait dans le College of Arms Ms M9 (f° 31r°-66v°). A. Curry et R. Ambühl se sont penchés sur cette œuvre et ont réuni dans un même volume plusieurs articles ainsi qu'une édition du texte et sa traduction anglaise.

La Chronique M9 fut compilée en 1459 pour Sir John Fastolf (1380-1459). Elle nous est connue par un unique manuscrit. Selon l'incipit, Peter Basset, un soldat anglais, en serait l'auteur, mais son texte aurait été amendé par William Worcester (1415-c. 1485), secrétaire de Fastolf, par Christopher Hanson, un Allemand aux ordres du duc d'Exeter, et par Luket Nantron, un clerc parisien. Ce quatuor est la première particularité de notre chronique. S'il est fréquent de trouver au Moyen Âge des œuvres continuées par un ou plusieurs écrivains, il est beaucoup plus rare d'en trouver rédigées par une "équipe" d'auteurs. Le premier chapitre s'intéresse naturellement à ces personnages. On y tente de découvrir les liens qui les unissaient ainsi que leur part respective dans la rédaction de la chronique. La biographie de William Worcester est relativement bien connue, mais nous ne possédons que des informations fragmentaires sur Christopher Hanson et Luket Nantron, tandis que l'identité de Peter Basset reste incertaine.

Le récit de la Chronique M9 commence au moment de l'invasion du royaume de France et de la prise d'Harfleur (septembre 1415) et se termine avec l'arrivée de Jeanne d'Arc au siège d'Orléans (mai 1429). Les guerres d'Henri V (1415-1422) occupent un peu moins de la moitié du texte. Le reste parle des campagnes d'Henri VI (1422-1429), mais se concentre principalement sur la conquête du Maine, lancée après la victoire de Verneuil (17 août 1424). Le récit s'arrête de manière abrupte, sans aucun doute parce que le commanditaire de l'œuvre (Fastolf) décède avant la fin de la rédaction. C'est dommage, car nous savons que la chronique aurait dû continuer jusque dans les années 1450.

Les informations offertes pour les années 1415-1421 sont généralement connues, peu précises et parfois même fautives. Cela change lorsqu'il est question des années 1422-1429. Certains détails concernant les grands événements sont aussi approximatifs, mais le récit de la conquête du Maine (1424-1428) propose des renseignements rares. Ils sont bien plus nombreux que dans toutes les autres sources narratives du temps, qu'elles soient françaises ou anglaises. Ces informations sont sans nul doute issues de la mémoire de Christopher Hanson et, peut-être même, de celle de Sir John Fastolf. C'est naturellement cette dernière partie de la chronique qui est la plus intéressante. Elle permet à A. Curry et R. Ambühl de nous offrir un chapitre très pertinent sur la manière dont la guerre était menée au début du XVe siècle.

Il n'est pas rare de trouver des énumérations de combattants, généralement morts ou pris captifs, dans les chroniques médiévales. Le College of Arms Ms M9 fait cependant preuve d'originalité dans ce domaine. La présence d'une quarantaine de listes très substantielles d'hommes d'armes anglais, mais aussi français et écossais, est une autre de ses particularités. Nous découvrons ainsi plus de sept cents personnages ayant participé aux diverses opérations militaires. Un tel nombre n'est jamais atteint dans les œuvres de l'époque. La présence de ces listes pose donc questions. Quelle est l'origine de celles-ci et pourquoi sont-elles là ? Est-ce un moyen d'affirmer l'authenticité de la narration ? Est-ce une manière de mettre à l'honneur les Anglais en détaillant le nombre de leurs adversaires vaincus ? Le chapitre qui aborde ces interrogations ne peut malheureusement pas y apporter de réponses certaines.

Curieusement, la codicologie du College of Arms Ms M9 n'est que brièvement abordée dans cet ouvrage ; le chapitre premier n'abordant que les filigranes (ou watermarks) et l'identification des différentes mains présentes dans le manuscrit.

La dernière particularité de notre chronique est d'être la seule à avoir été écrite en français à une époque où l'usage de cette langue tend à disparaître au sein de la société anglaise. Cela ne pouvait pas rester ignoré et Richard Ingham aborde ce sujet dans le quatrième chapitre. La collaboration de plusieurs auteurs étrangers ayant tous séjournés en France fait du français une langue dont la maîtrise est partagée par tous. La grammaire et l'orthographe indiquent que nous sommes en présence d'un français continental parfaitement maîtrisé. Cela confirme le rôle majeur joué par Luket Nantron, un clerc parisien rappelons-le, dans la rédaction de la chronique.

L'histoire du manuscrit, la postérité de la chronique et son usage par quelques hérauts et auteurs des Temps Modernes sont finalement étudiés dans les chapitres 5, 6 et 7. Vient enfin l'édition du texte, qui met clairement en évidence la contribution de chaque auteur, ainsi que sa traduction. L'apparat critique de cette dernière est particulièrement volumineux. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer la petite cinquantaine de pages de l'édition avec les plus de cent quarante pages de la traduction. Sans surprise, l'identification des personnages occupe la majeure partie de cet apparat. Cette édition est encore accompagnée de quelques cartes, d'une abondante bibliographie et de plusieurs index, très utiles si le lecteur désire retrouver l'un des très nombreux hommes d'armes cités dans le texte.

La Chronique M9 ne révolutionne évidemment pas notre vision de la Guerre de Cent Ans. Son texte, original et intéressant, méritait cependant d'être mieux connu. C'est maintenant possible grâce à l'excellent ouvrage d'A. Curry et R. Ambühl.

Sergio Boffa