Justine Firnhaber-Baker: The Jacquerie of 1358. A French Peasants' Revolt (= Oxford Studies in Medieval European History), Oxford: Oxford University Press 2021, XXII + 307 S., zahlr. Abb., ISBN 978-0-19-886031-0, GBP 29,99
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Jim L. Bolton: Money in the Medieval English Economy, 973-1489, Manchester: Manchester University Press 2012
Anne Curry / Rémy Ambühl (eds.): A Soldiers' Chronicle of the Hundred Years War. College of Arms Manuscript M 9, Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2022
Ralph Moffat (ed.): Medieval Arms & Armour: A Sourcebook. Volume I: The Fourteenth Century, Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2022
À la fin du mois de mai 1358, des milliers de villageois français, issus d'une centaine de villages situés en Île-de-France, en Normandie, en Picardie et en Champagne, s'attaquent à la noblesse. Plusieurs nobles sont tués. Les membres de leur famille, femmes et enfants, ne sont pas épargnés. Leurs châteaux et autres biens sont évidemment pillés voire détruits. Deux cuisantes défaites militaires (à Meaux et près de Clermont-en-Beauvaisis) et la mise à mort de plusieurs chefs rebelles affaiblissent l'insurrection. Les nobles contre-attaquent. Ils envahissent les campagnes pour exécuter les rebelles ou les malheureux considérés comme tels et pour ravager leurs villages. En juillet, le soulèvement est écrasé. Tous ces événements se déroulent dans un laps de temps extrêmement court. On considère généralement que la Jacquerie, nom donné à cette "commotion" dès 1360, commence le 28 mai 1358 par le massacre de neuf nobles à Saint-Leu-d'Esserent et se termine le 10 juin de la même année, lorsque les rebelles subissent une double défaite militaire.
La Jacquerie semble ne pas avoir eu de véritable impact sur la société ou la politique de l'époque. Ce soulèvement est pourtant bien plus qu'un simple épisode violent dans un siècle particulièrement tumultueux. Elle doit être regardée comme faisant partie d'autres événements bien plus importants. Dès 1859, Siméon Luce mettait en évidence des preuves qui reliaient la Jacquerie à la rébellion parisienne menée par Étienne Marcel. Il a même soutenu que ce dernier avait orchestrée la révolte paysanne à des fins politiques. Cette approche fut adoptée beaucoup plus récemment par Raymond Cazelles puis par Justine Firnhaber-Baker. Pourtant, la tradition suivie par la majorité des historiens (dont Jules Flammermont, Michel Mollat, Philippe Wolff ou André Leguai) considère cette révolte comme spontanée et née de causes inexplicables. Justine Firnhaber-Baker note cette contradiction et l'un des objectifs de son étude est de faire la part des choses, peut-être même de réussir à concilier les différents points de vue historiographiques. Pour cela, elle prend en compte une période beaucoup plus large qui commence au lendemain de la défaite de l'armée française à Poitiers (19 septembre 1356) pour se terminer le 10 août 1358, date à laquelle le dauphin propose un pardon général.
L'auteure exploite au mieux les sources à sa disposition. Elle utilise naturellement la dizaine de chronique du temps qui décrivent, parfois avec nombre de détails, ces événements. Il n'existe malheureusement aucun document émanant directement des paysans rebelles (lettre, pétition, pamphlet, etc.). Pour comprendre leur état d'esprit et leurs revendications, Justine Firnhaber-Baker se tourne vers les lettres de pardon ou de rémission. Près de deux cents actes de ce type ont été délivrés à des individus ou, plus rarement, à des communautés impliquées dans la révolte et sa répression. Elle tire aussi parti de plusieurs dizaines de procès civils entre des parties réclamant des dommages infligés pendant la Jacquerie ainsi que des sources variées provenant d'archives locales.
Grâce à tous ces documents, l'auteure nous offre une solide étude qui apporte plusieurs éléments nouveaux. Nous y découvrons l'identité, les relations et les motivations (probables) de plusieurs personnes impliquées dans le soulèvement. La Jacquerie apparaît alors comme un événement collectif né d'une multiplicité de causes individuelles. Cela n'empêche pas les rebelles de créer un mouvement relativement bien structuré avec ses chefs, ses conseillers, ses capitaines régionaux ou locaux, ses lieutenants et ses diziniers. Le rôle des assemblées, que ce soit dans la prise de décision ou dans la transmission des ordres, est aussi mis en évidence. La dimension sociale de la révolte rurale explique pourquoi les nobles en sont la cible privilégiée. Insistons sur le fait que ce n'est pas le pouvoir seigneurial qui est contesté, mais bien la seule appartenance à une aristocratie privilégiée. Enfin, nous comprenons mieux pourquoi un mouvement ayant eu une telle ampleur, tant par le nombre élevé de ses adhérents que par la région très large où il s'est développé, a pu être réprimé si rapidement. Bien qu'Etienne Marcel ait eu des relations suivies avec les chefs des paysans, même si les Jacques ont entrepris des actions afin d'aider les parisiens en révolte, cela ne suffit pas à compenser le fait que les deux "partis" poursuivaient des objectifs divergents à l'aide de stratégies différentes. Ces soulèvements, bien que représentant des forces puissantes, étaient dès lors voués à l'échec.
L'ouvrage de Justine Firnhaber-Baker est une excellente synthèse, présentant d'intéressants commentaires et pourvu d'un excellent apparat critique. Nous regrettons cependant le choix fait par l'auteure de mélanger ses analyses au récit chronologique. Ainsi, selon la richesse des sources et le sujet traité, nous sommes en présence de chapitres de nature inégale. Les uns narrent avec une foison de détails les faits et les événements. Les autres, faute d'informations, proposent de longues analyses qui nous semblent quelque fois proches de la spéculation. C'est le cas dans les troisième et quatrième chapitres qui examinent les raisons du massacre de neuf nobles à Saint-Leu-d'Esserent (28 mai 1358), un incident qui marque le début du soulèvement.
Que nos lecteurs ne se méprennent pas. Notre dernière remarque n'a que peu de poids comparé aux nombreux bénéfices que procure la lecture de cette étude.
Sergio Boffa