Ulrike Hascher-Burger / August den Hollander / Wim Janse (eds.): Between Lay Piety and Academic Theology. Studies Presented to Christoph Burger on the Occasion of his 65th Birthday (= Brill's Series in Church History; Vol. 46), Leiden / Boston: Brill 2010, XXI + 555 S., ISBN 978-90-04-18600-2, EUR 119,00
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Wim Janse / Barbara Pitkin (eds.): The Formation of Clerical and Confessional Identities in Early Modern Europe, Leiden / Boston: Brill 2006
Les vingt-et-un articles réunis par Ulrike Hascher-Burger, August den Hollander et Wim Janse rendent hommage à la carrière et aux travaux de Christoph Burger sur la piété des laïques et la théologie académique. Divisé en quatre parties, cet ouvrage imposant (555) traite la question du Moyen Âge aux Temps Modernes et s'achève par les supports visuels de la piété - gravures et feuillets imprimés.
Après une brève introduction par U. Hascher-Burger, la première partie "Moyen Âge" débute par l'article de Martin Ohst, «Erste Jubiläumsblass. Eine kirchengeschichtliche Erinnerung". A partir de la pratique des indulgences, l'auteur montre que la critique par Luther a souvent fait l'objet d'un grand malentendu, car elle a été considérée surtout sous l'angle de la fiscalité pontificale, de la cupidité et du salut. Or, le réformateur en avait fait un moyen de compréhension des péchés et de la grâce et un modèle paulinien de la volonté divine.
Sigurd Hjelde, "'Memorare novissima tua'. Ein Blick in die Vorgeschichte des Eschatologiebegriffs", a étudié les changements d'interprétation des "dernières choses" - novissima - depuis le Moyen Âge (Bernard de Clairvaux) jusqu'aux termes théologiques mors, resurrectio, iudicium, consummatio saeculi de l'enseignement dogmatique luthérien.
Martijn Schrama O.S.A., "The Commemoration of the Translation of the Relics of Saint Augustine", a retracé l'histoire de la translation des reliques de saint Augustin depuis Sardinia jusqu'à Pavie, relatée par Bède le Vénérable. Son article analyse les implications liturgiques résultant de ce récit, à savoir la "translation de la translation" de la fête du 11 octobre au 28 février.
"The Middle Dutch Mystical Withsun Semons from 1492 Mediating Johannes Gerson" par Thom Mertens est centré sur la piété laïque. Ces sermons, rédigés à Bruges par un frère Mineur, se fondent sur les premières œuvres de Gerson, et ont la forme de lettres d'amour adressées à "une dame aimée" par une sorte de mentor spirituel. Ces écrits de la catéchèse et de la pastorale gersoniennes ont été les premiers à connaître une traduction en moyen-néerlandais, probablement à partir du français.
Ulrike Hascher-Burger consacre son article à la piété dans les cercles de la Devotio moderna à partir d'un manuscrit de cinq chants monodiques latins datant des années 1500 et provenant du couvent des Frères de la Vie Commune à Zwolle. Dédiées à la méditation pénitentielle de la Communauté, ces monodies permettent de comprendre la réception des textes normatifs indispensables à la contemplation et à la piété affective.
Barbara Fleith, dans "'Myne lieben doechtern'. Auf der Suche nach der idealen Mädchenlektüre im Mittelalter", traite de la piété laïque dans le cadre de l'éducation chrétienne des enfants, et plus spécialement des jeunes filles. Issu de la tradition médiévale (patristique) de la lecture des légendes des saints et des martyrs, ce vaste corpus textuel décrit à la fois les lectures et les lectrices idéales.
La seconde partie du recueil d'articles est consacrée à la piété laïque et la théologie savantes dans le cadre de la Réformation.
Volker Leppin, "Luthers Vaterunser-Auslegung von 1519", montre comment le commentaire en langue allemande de Luther sur le Notre-Père a rompu avec la théologie médiévale. Tout en perpétuant des aspects de la théologie monastique (humilité, justice), il défend une position apocalyptique radicale qui fait du pape un Antéchrist, et une théologie eschatologique exhortant à la transformation mystique et au dépassement de soi.
Matthieu Arnold a choisi de revoir la place de Marie dans la pensée de Luther. "Marie dans les Tischreden de Martin Luther" traite des "Propos de table" collationnés à partir de 1531 et très peu étudiés par les luthérologues. Se fondant exclusivement sur la Bible, Luther avait accepté la vénération à Marie qu'il voyait comme une simple croyante modèle bénéficiant de la grâce divine.
Johan S. Vos, "'Ein Laie der Rede'. Die Frage nach der rhetorischen Kompetenz in der Debatte zwischen Luther und Erasmus über den freien Willen", compare deux approches différentes de la rhétorique, selon que celle-ci repose sur des arguments rationnels issus du logos (Luther) ou use du pathos (Erasme). Luther a usé de la rhétorique dans le but de convaincre ses opposants par la force et l'autorité intellectuelle. A l'opposé, Erasme a pratiqué l'antique tradition de la dialectique, non pour imposer une vision, mais pour conduire librement à la vérité.
"'A l'instar des prophètes...'. La rhétorique au service de la prophétie dans le Tzephaniah Epitomographus de Martin Bucer (1528)", par Annie Noblesse-Rocher, expose comment, alliant l'exégèse médiévale et la rhétorique classique, Bucer a lutté pour un nouveau sens littéral fondé sur l'analogia fidei. Dans sa pastorale, il a ainsi fait du prédicateur un véritable prophète aimant son prochain dans l'attente des fins dernières.
L'article de Hans-Martin Kirn présente le réformateur zurichois Theodor Bibliander (1505-1564) à travers un de ses textes le moins connu ("Quomodo legere oporteat sacras scripturas...", 1550). Partant du principe de sola scriptura, il s'élève contre la puissance normative de la papauté et la tradition médiévale des images religieuses.
Enfin, dans "Piety in Tumultuous Times. Farel the flamboyant Herald of Reformed Belief", Frans van Stam présente le réformateur Guillaume Farel plus comme un combattant "flamboyant" que comme un théologien. Suite à l'explosion d'une tour à Bâle le 19 septembre 1526, le réformateur entama une nouvelle vie de prédicateur, prêchant en français dans les régions suisses, en relations avec Bucer, Capito, Zwingli, Calvin. Son style oratoire et sa piété personnelle seraient alors devenus plus intenses et flamboyants.
La troisième partie de l'ouvrage concerne les périodes de la post-Réformation au cours desquelles la dichotomie entre piété laïque et théologie académique est restée fondée sur ces deux conceptions de la vie religieuse.
Peter G. Bietenholz consacre son article à Georg Mayer, un ministre de Leeder dans le sud de l'Allemagne : "Georg Mayer of Leeder: So Geysted der H. Geist wo Er will". Entre 1554 et 1562, le pasteur luthérien écrivit plusieurs textes en soutien à Gaspar Schwenckfeld. Ces pamphlets défendirent une religion de la tolérance envers les "hérétiques", la liberté de conscience afin de restaurer l'unité de l'Eglise - de l'Esprit, et non l'institution -, et une lecture spirituelle des Evangiles par la foi et la raison.
L'article de Klaas Zwanepol, "United by Augustana ? Acceptance of the Augusburg Confession in the Netherlands around 1566", traite des tentatives vers 1566 pour faire accepter la Confession d'Augsburg comme la formule unique de tous les Protestants "magistériaux" des Pays-Bas. La recherche de cette unité passa par la traduction hollandaise de l'Augustana, dont la diffusion orienta les développements spécifiques de la Réformation dans ces régions.
Irena Backus, "Lay and Theological Reception of Clement of Alexandria in the Reformation. From Gentien Gervet to Fénelon", entend démontrer que le recours aux auteurs du début du christianisme par les réformateurs ne visait pas à mettre l'histoire au service des controverses religieuses, mais permettait aux différentes confessions d'acquérir une identité par l'étude du passé de la Chrétienté.
Dans la Province de Groningen, aux Pays-Bas, au milieu du XIXe siècle, les relations ont été tendues entre prêtres catholiques et pasteurs réformés, entre théologie officielle et pratiques religieuses. Dans "Groninger Pfarrer an der Schwelle zur liberalen Zeit. Ein Bericht über den religiös-kirchlichen Zustand der Groninger protestantischen Gemeinden (1851) ; seine Hintergründe und Wirkungen", Jasper Vree a analysé comment les prédicateurs protestants ont su faire évoluer leur métier, leur mission, leur prédication aux laïques dans une société nouvelle ouverte au libéralisme.
Enfin, la dernière partie "Piety and Media" montre comment les livres illustrés et autres supports "médiatiques" ont joué un rôle dans les processus historiques de la pensée théologique et des pratiques religieuses.
Dans "Beyond the Printed Book. The Media in Reformation Historiography", Willem Heijting explique en quoi l'invention de l'imprimerie et la Réformation ont été l'une et l'autre deux événements majeurs et conjoints dans l'histoire de la société, de l'Eglise et de la religion ces cinq derniers siècles.
Koen Goudriaan, "Apostolate and Printing. The Collaciebroeders of Gouda and their Press", décrit le guide pour la messe rédigé en 1506 par un Frère de la Vie Commune, Gerrit van der Goude, à l'intention des laïques afin de leur expliquer la signification de l'office et l'importance de leur participation. Fixé et diffusé par des textes imprimés, ce "vademecum" correspond à la fois à une "prédication par l'imprimerie" et à la théologie de la piété laïque déjà initiée à la fin du Moyen Âge (Gerson) et qui est en plein essor au début du XVIe siècle.
Berndt Hamm, "Der Weg zum Himmel und die nahe Gnade. Neue Formen der spätmittelalterlichen Frömmigkeit am Beispiel Ulms und des Mediums Einblattdruck", évoque la piété des laïques à Ulm et dans ses environs à la fin du Moyen Âge à partir du grand nombre d'objets dévotionnels - sculptures sur bois, gravures xylographiques des artes moriendi, feuillets imprimés et colorés du "Christ de Douleurs" -, servant à la méditation et à la contemplation mystique.
Max Engammare, "'Magnificat anima mea Dominum...' in figuris. Représentation de la fin de la Visitation (Luc 1, 46-55) dans les Figures de la Bible au XVIe siècle", explique que les Biblischen Figuren sont des recueils de gravures sur bois diffusées dès les années 1530 depuis Francfort, Strasbourg, puis Lyon et Anvers. Ils représentaient l'Ecriture à travers des cycles d'estampes relatant toute la Bible ou des extraits. Or, curieusement, aucune illustration ne fut associée au Magnificat.
August den Hollander, "Christian Hebraism and Early Printed Dutch Bibles", montre comment, à partir de leurs études sur la Bible hébraïque, les imprimeurs et éditeurs humanistes hollandais du XVIe siècle ont mené des recherches actives pour diffuser de nouvelles traductions auprès de nouveaux publics laïques dans toute l'Europe.
L'ensemble des articles réunis en hommage à Christoph Burger impressionne par son ampleur et son haut niveau d'analyse. Il faut saluer la cohérence des cas d'études exposés et leur mise en perspective historique et théologique. Témoignant de la diversité des sources et des documents textuels et iconographiques, ce livre est un bel encouragement à la recherche sur la piété des laïcs et la théologie protestante en Europe occidentale.
Martine Clouzot